Le théâtre de
Shakespeare a traversé les siècles, grâce à sa force, grâce à sa poésie, grâce
à sa vérité humaine. Marquant, en Angleterre, la sortie du Moyen Age, suite à
un grand massacre entre familles féodales anglaises, suite aux guerres civiles
et à la guerre de cent ans contre la France, ce théâtre marque le changement et
ce n’est pas un hasard s’il reçoit le soutien d’une reine soucieuse de faire
renouer la monarchie anglaise avec la bourgeoisie et le peuple anglais, sans
rompre avec les monarchies européennes, exercice d’acrobatie qui sera réussi,
au point de lancer durablement les affaires mondiales de la bourgeoisie
anglaise dans le monde, au détriment notamment de la France.
Ce soutien
d’Elisabeth 1ère au théâtre de Shakespeare est d’autant plus surprenant que ce
théâtre est essentiellement un théâtre historique reprenant de manière non
métaphorique toutes les horreurs de la monarchie anglaise, les excès, les
violences, les folies, les haines, les meurtres. Et c’est, pour la première
fois, dans le langage du peuple et aux yeux du peuple que les anciennes
royautés sont ainsi trainées dans la boue aux yeux de tous et avec le soutien
public et ouvert d’Elisabeth 1ère, démontrant ainsi sa capacité à se créer une
popularité nouvelle et crédibilisant l’idée que la nouvelle monarchie ouvrait
une ère nouvelle. Ce ne sera pas le seul geste d’Elisabeth pour se donner une
grande popularité.
Un autre
étonnement : Elisabeth 1ère, surnommée « la reine vierge » (elle
n’a pas d’amants et pas de maris), la « reine protestante », soutient
à fond un théâtre qui traîne dans la boue les rois, les nobles, les couvents,
la morale hypocrite, qui met en scène la violence la plus nue, la cruauté, le
sexe, les orgies, avec vulgarité et grossièreté. Il s’agit de capter le peuple
et de l’amener à rompre avec l’état d’esprit moyenâgeux, à reconnaître l’ère
nouvelle, celle de la liberté bourgeoise réconciliée avec la bourgeoisie et le
peuple.
Il faut dire
qu’Elisabeth avait aussi de bonnes raisons personnelles d’en vouloir à la
monarchie qui avait séduit sa mère, qui l’avait tuée, qui avait exclue
Elisabeth, dans un premier temps, de la succession de la couronne d’Angleterre,
qui avait tué son amant, qui l’avait interrogée, menacée, arrêtée, condamnée et
qui avait failli la tuer sans les hasards de l’Histoire, violences et hasards
qui seront justement mis en scène par Shakespeare (ou celui qui s’est caché
derrière le nom de cet acteur pour écrire ses pièces).
Toute une partie de
l’histoire de l’Angleterre défile ainsi dans ces pièces, rapportée de manière
très politique pour donner une interprétation au peuple des affres qu’a subi le
pays.
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