miércoles, 17 de febrero de 2016

L´histoire de Bajazet comme l´histoire orientale


L´histoire de Bajazet est une histoire orientale dans laquelle les auteurs voulaient conserver le plus de caractéristiques de l´empire ottoman. Elle ressort d´une histoire vraie qui s´est déroulée dans la première moitié du XVIIème siècle à Constantinople. Les auteurs mettent valeur sur la confidentialité des sources et on verra quel est l´effet final de leur effort. Quels sont les caractéristiques des Turcs d´après cette histoire ? Les auteurs abordent les habitudes et les coutumes ottomanes de même que les mœurs orientales. On verra que le choix des caractéristiques dépend de nouveau du genre de l´ouvrage mais en général, on peut dire que la nouvelle en combinaison avec la tragédie créent une image complète de l´Orient turc. On peut se demander aussi, dans quelle mesure, le choix de l´histoire orientale influence-t-il le dénouement de l´intrigue.

Le lieu et les descriptions
Les descriptions des habits et du paysage chez Segrais et le lieu du sérail impérial chez Racine donnent la première image de l´Orient. L´histoire se déroule dans le cas de la nouvelle dans la ville de Constantinople et pour une partie dans le camp d´Amurath. Racine, qui se conforme à l´unité de lieu, a placé le gros de l´intrigue dans le sérail. On en voit surtout les portes qui symbolisent l´ouverture et la fermeture du sérail. Quand les portes sont ouvertes, on peut voir à l´intérieur du sérail ce qui aurait été interdit si le sultan était présent. La fermeture, par contre, symbolise le retour à l´ordre, à l´autorité du sultan, donc l´échec du complot. Pour Bajazet, la sortie des portes représente le signe de la mort. Il reste au spectateur et au lecteur de s´imaginer le reste de l´espace : la pièce de Roxane, les couloirs et les endroits secrets. Segrais donne l´illusion des couloirs secrets où on ne voyait qu’à la clarté des flambeaux à la page 493. La pièce de Racine se déroule dans un espace clos où l´entrée était d´habitude interdite et en plus suivie de la mort.
Scène première de l´acte I, vers 1-5 :


ACOMAT
« Viens, suis-moi. La Sultane en ce lieu se doit rendre.
Je pourrai cependant te parler, et t´entendre. »

OSMIN
« Et depuis quand, Seigneur, entre-t-on dans ces lieux
Dont l´accès était même interdit à nos yeux ?
Jadis une mort prompte eût suivi cette audace. »


Le harem est un lieu tragique parce que personne ne peut y entrer ou en sortir sans l´accord de Roxane.
C´est le lieu qui fascinait depuis toujours les gens d´Occident. On s´imaginait le lieu plein de belles femmes, d´eunuques et d´esclaves qui s´occupent des favorites du sultan mais qui les surveillent en même temps. C´est l´endroit de l´amour mais aussi de l´intrigue car les favorites concourent pour la faveur de l’empereur. Elles ne sont que des esclaves choisies, enfermées dans une cage dorée. On sent cette rivalité dans la pièce de Racine. Comme le dit Marie-Christine Pioffet : 

« À l´âge classique, le terme sérail évoque des connotations souvent contradictoires. Espace à la fois interdit et fantasmé où alternent des scènes de béatitude amoureuse et de morts tragiques ».[1]


On voit parfaitement cette différence dans la présentation du sérail dans l´œuvre de Segrais et dans celui de Racine. On peut dire que l´image que nous donne Racine est presque véritable de ce qui c´était passé à l´intérieur du sérail tandis que l´image de Segrais est tout à fait romanesque et plus éloignée de la réalité. Le sérail impérial de Bajazet est une prison pour les personnages. Il n´y pas seulement des femmes destinées au sultan mais aussi les captifs, comme Bajazet. A l’aide du personnage de Roxane, on voit que même si elle est la favorite, elle ne cache pas une grande aversion pour son état. D´où il ressort, que le sérail n´était pas un espace agréable à vivre mais plutôt une prison à perpétuité. Il ne nous surprend pas que les personnages de la tragédie soient prêts à mourir plutôt qu’à rester dans cet état de mépris, ce que répète Bajazet souvent. Le caractère de ce lieu approche la thèse de Jean Thévenot : « Proche de ce lieu on voit une grande fenêtre, d´où la nuit on jette en mer ceux qu´on étrangle dans le Sérail, et on tire autant de coups de canons qu´on y en jette. » [2] La tuerie finale de la tragédie convient au lieu choisi. On jette les cadavres et tout continue. Le sérail chez Racine est pour la plupart tragique, cependant il y mêle des traits romanesques. Il fonctionne paradoxalement comme un lieu de rencontre des êtres longtemps éloignés. Atalide l´explique dans l´acte I, scène 4, vers 361-366 :

« Élevée avec lui dans le sein de sa Mère,
J´appris à distinguer Bajazet de son Frère;
Elle-même avec joie unit nos volontés,
Et quoique après sa mort l´un de l´autre écartés,
Conservant sans nous voir le désir de nous plaire,
Nous avons su toujours nous aimer et nous taire. »


Atalide retrouve grâce à Roxane la possibilité de voir Bajazet et ces rencontres ne resteront pas sans conséquences. Leur amour est suivi d´échange de lettres amoureuses ce qu´on rencontre dans la nouvelle de Segrais. Racine a su lier de cette façon deux attraits du lieu de sérail. L´espace mystérieux qui inspire la crainte et le respect mais qui est à l´intérieur plein de désirs romanesques.
            Dans la nouvelle de Segrais, on peut voir deux endroits qui représentent le sérail au sens plus large du terme. Au début, c´est le palais du sultan où se déroule la relation entre Bajazet et la sultane. Il est représenté par une galerie extrêmement longue où on ne voyait qu´à la clarté des flambeaux et par l´appartement de la sultane. La relation avec Floridon se déroule au contraire dans un sérail classique où elle a été conduite par la sultane. Néanmoins, Segrais ne décrit rien des coutumes du sérail comme s´il ne voulait pas heurter la galanterie de la situation. Au contraire, il ajoute des images de l´accueil de Bajazet comme : « on jeta tant de fleurs sur lui que tout l´air en était parfumé » (F. 523) etc. ce qui paraît contraire aux habitudes turques.
            Pour donner à la nouvelle une ambiance turque, Segrais souligne le luxe et la richesse des vêtements de Bajazet quand il va voir Floridon à la page 522 :

« Jamais il n´avait pris une robe plus superbe : elle était d´une de ces riches brocatelles d´or qui viennent de l´Orient (...). Au bout d´une grosse chaîne d´or pendait à côté un cimeterre, dont la garde et le fourreau éclataient de pierreries. Son turban était de médiocre grosseur, où tenait une aigrette avec une attache de diamants d´une valeur inestimable. »


Il a choisi ce procédé pour montrer plutôt les similitudes avec l´Occident que pour choquer. « Il renvoie un reflet familier au lecteur du Grand Siècle, habitué au grand déploiement de richesses et d´ornements. » (I du S, 20). Segrais était malgré cela soucieux de donner l´image de l´Orient le moins déformé possible et il a mis dans sa nouvelle aussi des coutumes véritables de l´empire ottoman.




[1] Marie-Christine Pioffet, « L´imagerie du sérail dans les histoires galantes du XVIIe siècle », dans revue Tangence, no. 65, hiver 2001, p. 8. Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le signe  I. du S., suivi de la page, et placées entre parenthèses dans le corps du texte.
[2] Jean Thévenot, Voyage du Levant, Paris, Maspéro, 1665, p.58, citation de I. du S., p. 8

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